C’était en septembre 2017. Les Chiefs se préparaient à amorcer leur saison et Laurent Duvernay-Tardif avait signé quelques mois auparavant un énorme contrat. Rien de tel pour constater à quel point sa vie avait changé qu’une petite bière avec lui dans son appartement, au centre-ville de Kansas City…
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Je me souviens que sur le coup, j’étais presque déçu. Pas de la bière, encore moins de l’invitation, mais du fait que la fameuse vie de Laurent n’avait à peu près pas changé.
La nouvelle vie de château du célèbre LDT ? Non merci, ce n’était clairement pas sa tasse de thé de jouer les parvenus !
Quelle histoire j’allais donc pouvoir écrire, devant si peu de nouveauté ? Confronté au syndrome de la page blanche, j’avais vite réalisé que l’histoire pour les lecteurs était justement troisième là. Malgré une pluie de 41 millions, tout ce que Laurent avait changé dans sa vie, c’était son vieux Jeep 1981.
Le reste, c’était l’athlète et l’humain avec ses mêmes objectifs, ses mêmes habitudes de vie et ses mêmes rêves. Il m’avait confié, cette journée-là, que « le mieux, c’est de ne pas voir son argent » et que « cet appart ne me coûte pas plus cher que mon autre à Montréal ».
Il était facile de constater à quel point il demeurait la même personne même s’il était, à cette époque, le quatrième plus haut salarié parmi les gardes dans la NFL.
Quand ça sonne à minuit…
PhotoAFP
Il y a une autre fois, aussi, qui résume bien comment pouvait être cette bibitte unique qu’est Laurent.
Au cours de la saison 2018, il avait subi une importante blessure à un genou, qu’il s’était d’ailleurs autodiagnostiquée sur le terrain (faut le faire !). Après 12 semaines sur la liste des blessés à bûcher comme un fou dans l’espoir de revoir du terrain en finale de conférence, il avait été tenu à l’écart lors du match sans lendemain face aux Patriots.
À Kansas City, après cette cruelle défaite de 37 à 31 en prolongation, j’étais allé le voir dans le vestiaire pour obtenir ses impressions. Un relationniste de l’équipe m’avait écarté en me disant que les joueurs qui n’étaient pas en uniforme n’accorderaient pas d’entrevues avant le lendemain.
« Je t’appelle demain sans faute », m’avait promis Laurent, en me faisant un clin d’œil.
Quelques heures plus tard, sur le coup de minuit, mon téléphone sonnait.
« Il est minuit, on est demain, je peux te parler », m’avait-il lancé.
Il trouvait inconcevable de me laisser en plan malgré mon déplacement à Kansas City. Il avait respecté à la seconde près la demande des Chiefs pour ne pas se les mettre à dos, mais avait compris l’importance de me donner de la matière au plus vite.
C’était aussi ça, le Laurent en coulisses, même loin des micros et caméras.
Un athlète hors norme
Photo Martin Chevalier
Pourquoi raconter tout ça ? Parce que tout le reste a été dit sur le parcours exceptionnel de Laurent Duvernay-Tardif.
Son cheminement entre le football et la médecine, son implication en CHSLD en pleine COVID-19, son Super Bowl, ses talents de boulanger dans l’entreprise familiale ou même ses fameuses annonces de bols en bois.
Combien d’athlètes peuvent se targuer d’avoir atteint l’apogée de leur sport tout en menant de front 526 autres dossiers, dont des hautes études ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que bien plus qu’un joueur de football, c’est un athlète marquant dans l’histoire sportive du Québec qui tire aujourd’hui sa révérence. Rares sont ceux qui, comme lui, parviennent à transcender leur sport et à se faire une place dans la vie de monsieur et madame Tout-le-Monde.
Un jour, une future génération de jeunes prendra connaissance de ce parcours unique quand sa vie sera immortalisée au cinéma. Ils se diront sans doute que c’est exagéré et arrangé avec le gars des vues.
En attendant qu’ils réalisent que tout ça était bel et bien vrai, salut, Laurent ! Bonne retraite !