Critique : les nouvelles de Clark Blaise ‘This Time, That Place’

Critique : les nouvelles de Clark Blaise ‘This Time, That Place’

L’écrivain Clark Blaise occupe une place unique dans les lettres canadiennes. Presque vénéré parmi les lettrés et les universitaires, il reste largement inconnu du grand public des lecteurs. Ceci est, bien sûr, manifestement injuste. Avec une étonnante maîtrise littéraire (comme en témoigne magnifiquement « This Time, That Place », une nouvelle sélection de ses courtes fictions), une carrière de plus de cinquante ans et son rôle dans la naissance même de la littérature canadienne, il devrait, en droits, soyez une icône de CanLit, à égalité avec Alice Munro et Margaret Atwood.

Sa position en dehors du courant littéraire canadien semble cependant étrangement appropriée pour Blaise ; son écriture tourne autour de sa position d’étranger, de spectateur, d’étranger dans un pays étranger. Sa fiction s’inspire fortement de sa vie, l’enfant d’une « mère manitobaine et d’un père québécois », n’ayant jamais « vécu plus de six mois nulle part, jusqu’à mes quatre ans d’adolescence à Pittsburgh et quatorze ans d’enseignement à Montréal ». Il a épousé l’écrivain Bharati Mukherjee en 1963 : “une cérémonie de mariage de cinq minutes dans un cabinet d’avocat à Iowa City… J’ai épousé l’Inde, un monde beau et compliqué.”

“This Time, That Place” sert d’introduction parfaite à cet outsider consommé.

Les vingt-quatre histoires de la collection révèlent la nature obsessionnelle de l’extraction par Blaise de sa propre vie pour son matériel littéraire. Les éléments et les préoccupations se répètent de manière compulsive : une enfance perpétuellement en mouvement, la pauvreté et le racisme du sud des États-Unis dans les années 1940 et 1950, le bilan effarant de la vie avec un père trompeur et coureur de jupons et une mère tragique, la vie d’une Américaine… garçon anglophone élevé déménagé à une vie à Montréal (avec sa propre xénophobie et tribalisme), le glissement de la biographie et des lieux de naissance, la malléabilité de l’identité et des noms.

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Blaise écrit avec une immédiateté franche qui occulte la nature exacte de ces œuvres. Les histoires semblent brouiller la frontière entre fiction, mémoire et essai personnel, créant une profonde intimité avec les personnages et leurs situations, une immédiateté autofictive dans laquelle on a l’impression de lire sur Blaise, plutôt que sur ses créations. C’est une approche puissante, et qui est ajoutée ici par la conservation des histoires elles-mêmes. Présentées de manière narrative chronologique, les histoires d’enfance sont suivies de l’adolescence et du jeune âge adulte, de la parentalité précoce et du vieillissement. L’arc narratif de la collection contribue non seulement au sentiment d’intimité avec l’auteur, mais sert également d’introduction à l’œuvre de Blaise tout au long de la carrière, un portrait de l’artiste dans son intégralité.

Parce que “This Time, That Place” fonctionne si bien comme un livre unifié, il est difficile de distinguer des histoires particulières pour les éloges. On pouvait ouvrir le livre n’importe où et être englouti par la qualité franche et soigneusement observée du travail de Blaise. N’importe laquelle des histoires serait représentative de la collection, bien que dépourvue de la force accrue de leur position dans le livre.

Dans

Prenez « Une éducation nord-américaine », par exemple. Dès son ouverture rapide (« Onze ans après la mort de Napoléon, sous la présidence d’Andrew Jackson, mon grand-père, Boniface Thibidault, est né. »), le récit zoome sur l’éveil sexuel de son narrateur adolescent. Il est emmené par son père voir une strip-teaseuse à la foire du comté (« Il y avait une odeur, au-dessus de la chaleur, au-dessus de la centaine d’hommes luttant pour une place, au-dessus des fumées des porcheries et des parcs à bestiaux. C’était l’odeur de la furtivité, de la campagne carnage et famine inextinguible. L’odeur des chambres de garçons au lycée. L’odeur du sexe sur le sabot. ») mais son intérêt est plus piqué par Annette, « la femme d’à côté ». Il l’observe d’abord prendre le soleil à travers un trou qu’il perce dans les rideaux, avant d’essayer de mettre en place un judas dans le mur de leur salle de bain commune, le narrateur en tant qu’observateur accompli, l’étranger, essayant de comprendre le monde, littéralement, au-delà du mur. Dans un renversement étonnant, cependant, ce qu’il voit finalement à travers le mur prend l’histoire dans une direction totalement inattendue et, on le sens, change le cours de sa vie. Les derniers paragraphes de “Une éducation nord-américaine” sont une pure perfection, le genre d’écriture dont tout auteur rêve et qui, semble-t-il, vient si facilement à Blaise.

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“This Time, That Place” n’est pas seulement une étonnante collection de fiction, c’est une œuvre d’une importance considérable; la plupart des lecteurs ne reconnaîtront pas à quel point leur vie de lecteur leur a manqué tant qu’ils n’auront pas fait l’expérience directe du travail de Clark Blaise.

Le livre le plus récent de Robert J. Wiersema est “Seven Crow Stories”.

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