Avec «De ta force de vivre», son troisième solo au théâtre, Marie-Ève Perron se donne le droit de naviguer dans les émotions contraires – donc de rire, pleurer et être en colère – car, dit-elle, «le deuil, c’est ambivalent».
À la suite du décès de son père en 2017, l’artiste a créé ce spectacle parce qu’elle était fâchée de ne pas trouver de réponses à ce qu’elle ressentait et qu’elle était tannée de vivre avec le poids du silence. «Le deuil, c’est une bibitte vraiment bizarre. Ça se promène, ça part, ça revient. Il faut apprendre à valser avec.»
Pour elle, il était temps de briser le tabou qui encercle la mort. «J’avais besoin de répondre à mon propre besoin, à ma quête. J’avais besoin de clés de compréhension parce que j’étais perdue dans mon deuil, dans le silence qui entoure la mort. Je me disais: “Ça n’a pas de bon sens qu’on n’ait pas de mots pour cette expérience si commune, qu’on sait tous qu’on va traverser… C’est encore super tabou. On ne veut pas encore en parler et on la cache encore beaucoup.»
«Ça met tout le monde mal à l’aise. Quand tu dis: “Oui, mon père est mort”, tout le monde est mal. Y’a des gens qui osent poser des questions, d’autres qui sont très gênés et je comprends parce que je suis pareille. […] Pourquoi on se fait vivre ça? Est-ce qu’il y a une autre façon d’aborder la mort? Est-ce qu’en parlant davantage, on peut l’apprivoiser, d’une certaine façon?»
Un temps pour l’humour
Malgré un sujet triste, «De ta force de vivre» est une autofiction lumineuse. Son auteure croit dur comme fer qu’il y a de la lumière partout, peu importe la situation.
«Je ne veux pas dédramatiser la mort ni la banaliser, parce que ce n’est pas un événement banal dans la vie, mais je pense qu’il y a moyen d’en parler, de délier les langues et de permettre aux gens de déposer leur chagrin. On traverse aussi beaucoup d’émotions contraires à travers ce processus. Il y a une forme de soulagement quand on perd quelqu’un qui est malade, par exemple, et en même temps, un déchirement total de ne plus avoir cette personne-là dans notre vie. Comment gérer ça?»
Entre des moments émouvants et des explications éclairantes de spécialistes – qui lui ont fait grand bien durant sa démarche -, Marie-Ève Perron a façonné une place à l’humour. Si elle est capable de rire de certaines choses, c’est qu’elle doit son sens de l’humour à son regretté père.
«Rire, c’est aussi profiter de chaque moment. Quand tu as un bon sens de l’humour, je trouve que ça te permet d’embrasser toutes sortes de situations. Mon hommage passe par lui et le rire. L’autodérision est une des clés les plus importantes qu’il m’a léguées dans ma vie. C’est ce qui me sauve tous les jours.»
«De ta force de vivre» est présentée jusqu’au 16 juin à La Licorne. L’oeuvre doit aussi être dévoilée en France.