La parfaite victime, un film imparfait

Ma chronique sur le documentaire La parfaite victime a suscité de nombreuses réactions.

Si Émilie Perreault et Monic Néron voulaient susciter le débat, elles ont réussi. Mais si elles voulaient faire un portrait juste et équitable du système de justice, plusieurs pensent que c’est un échec.

SENSUALISME?

Un criminologue spécialisé dans les questions de crimes sexuels m’écrit : « Dépeindre le système judiciaire comme un allié des agresseurs est tout simplement malhonnête. Je ne vois pas pire manière de servir la cause des victimes. On voudrait les pousser à l’isolement et à la vendetta qu’on ne ferait pas mieux. Est-ce que l’objectivité journalistique aurait été sacrifiée sur l’autel de l’émotion et d’un certain sensationalisme ? »

Un avocat criminaliste m’a texté en sortant du cinéma : « Je suis triste pour les victimes exploitées dans cette démonstration de malhonnêteté… C’est pire que je croyais ».

Une victime d’agression sexuelle, qui a récemment vu son agresseur condamné après un procès, m’écrit : « Le système est perfectible, certes. Mais c’est un sujet délicat qui doit être traité avec nuances. La bande-annonce de La parfaite victime découragera plusieurs personnes à porter plainte. C’est dommage ! Il y a des procureurs et enquêteurs qui font un travail formidable ».

Me Michel Lebrun, de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense, a vu le film en compagnie de cinq autres avocats de la défense… toutes des femmes. D’ailleurs pourquoi, dans le film, on ne voit que trois hommes avocats de la défense ? Interviewer des femmes qui défendent des présumés agresseurs, ça ne cadrait pas avec la perspective féministe du film ?

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« Ce film fait le portrait d’un système de justice des années 50 ! m’a dit Me Lebrun. Au cours des 40 dernières années, on a procédé à une sérieuse et profonde réflexion sur la protection des victimes, contre les intrusions dans leur vie privée, et contre les “mythes et stéréotypes”. En ne parlant pas de ces changements en jurisprudence, le film induit le public en erreur. C’est un lynchage à partir de demi–vérités et de juxtapo-sitions odieuses… »

Parmi les questions soulevées au sujet du film :

  1. Le film commence par le témoignage (bouleversant) de plusieurs victimes d’agressions sexuelles, dont une toute petite fille, mais sans nous dire si leur agresseur a été condamné. Dans leur cas, le système de justice a fonctionné ou pas ?
  2. Pourquoi ne pas avoir parlé du fait qu’aujourd’hui, en cour, les juges sont toujours à l’affût de comportements déplacés ?
  3. Plusieurs ont été outrés que l’on fasse jouer une musique de cirque pendant que des juristes bafouillent en tentant d’expliquer la notion de doute raisonnable. C’est un procédé de mauvaise foi, quand on sait à quel point il peut être difficile, même pour un juge, de vulgariser des notions de droit complexes, surtout à froid.

PAS UN FILM DE DISNEY

Je rajoute une dernière question : le film est classé « Général ». Mais est-ce vraiment recommandé d’emmener de jeunes enfants voir un film où des victimes décrivent de façon très graphique les sévices qu’elles ont subis (des enfants attachés, violés à répétition, une victime forcée de manger ses propres excréments) ?

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