«Ma Zoé»: Jamais sans ma fille

Julie Delpy, scénariste et réalisatrice, s’éloigne finalement des comédies romantiques et livre un drame fort, «Ma Zoé», dans lequel toutes les femmes, même celles qui n’ont pas d’enfant, se reconnaîtront.

Isabelle (Julie Delpy) est scientifique. Basée à Berlin — on apprendra qu’elle y a suivi son conjoint de l’époque, James (Richard Armitage) — elle a eu une fille, Zoé (Sophia Ally) dont elle partage la garde avec celui qui est désormais son ex.

La relation entre Isabelle et James est désormais acrimonieuse, l’enfant devient l’otage du règlement de comptes entre les deux, James se servant de Zoé de manière particulièrement odieuse. On pourrait croire que «Ma Zoé» n’est qu’une chronique conjugale jusqu’à ce que le scénario prenne une tournure inattendue: Zoé a un grave accident. Et, sans trop en dévoiler, Isabelle prendra une décision surprenante.

Dans ses œuvres, Julie Delpy — incluant dans son excellente série «On The Verge», diffusée via Netflix — s’interroge abondamment sur la maternité, l’examinant sous tous ses angles — on se souvient aussi de l’enfant adulte dans «Lolo». Dans ce long métrage, elle flirte avec la science-fiction, si tant est que ce terme soit le bon, ce qui lui permet de pousser sa réflexion jusqu’à l’éthique personnelle dans la troisième partie.

Avec les années, la scénariste se bonifie. Ses portraits sont justes, redoutables de réalisme et les dialogues incisifs comme en témoigne son personnage de James, incarnation de la masculinité toxique et dans lequel on ne peut que reconnaître quantité de comportements masculins encore considérés comme «normaux».

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On peut adhérer ou non au parcours émotif et intellectuel d’Isabelle, mais une chose est sûre. «Ma Zoé» génère des réflexions et une discussion intenses autour des femmes, de la maternité, de la paternité, des normes qui régissent encore les relations entre femmes et hommes et de la mort. Et que demander de plus?

«Ma Zoé»: «le machisme n’est pas quelque chose de joyeux.» — Julie Delpy

Isabelle Hontebeyrie

Dans son nouveau film, l’actrice, scénariste et réalisatrice pousse sa réflexion sur la maternité et l’amour maternel tout en abordant le sujet de la masculinité toxique. En entrevue, Julie Delpy approfondit sa vision et parle aussi des modes et du succès.

«Je crois que c’est plus facile [aujourd’hui] pour certaines femmes [à Hollywood]. Moi, c’est plus difficile parce que mon approche est très personnelle. Je ne fais pas forcément ce qui est à la mode», dit Julie Delpy dès la première question d’une entrevue donnée à l’Agence QMI de Los Angeles. «Je n’ai jamais été à la mode, même en tant qu’actrice. J’ai gagné des admirateurs à travers les années et pas à travers le moment. […] Je ne suis pas la personne ‘du moment’… ce qui n’est peut-être pas plus mal au final puisque la personne du moment ne dure, justement, qu’un moment.»

Féminisme et masculinité toxique

Dans son long métrage précédent, l’amusant «Lolo», Julie Delpy se penchait sur la relation d’une mère avec son fils adulte, sorte de Tanguy profiteur. «Ma Zoé», résolument dramatique, explore le cheminement d’une mère, Isabelle, qu’elle incarne et dont la fille, Zoé, va avoir un grave accident.

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Parallèlement, Julie Delpy a également signé «On The Verge», excellente série comique disponible via Netflix depuis le début de l’automne où elle donne la parole à des femmes de la génération X qui ont eu des enfants tardivement. Et, comme dans «Ma Zoé», son personnage doit composer avec un homme à la masculinité toxique.

«C’est l’homme frustré, abusif et malheureux, c’est-à-dire l’homme qui n’est pas… en fait, je pense que le machisme n’est pas quelque chose de joyeux. J’ai vu mon père être féministe et il était très heureux de pouvoir exprimer son insécurité, sa féminité, sa sensibilité tout en étant un homme.»

Joué par Richard Armitage, le personnage de James, l’ex d’Isabelle, «est dans le contrôle» et devient «un monstre». «Richard est l’antithèse de James et il a connu des hommes comme ça dans sa famille et a vu une femme souffrir de cette masculinité toxique.»

De l’aveu de la cinéaste, James — et plusieurs des scènes avec Isabelle où domine la violence verbale — heurte les spectateurs, dérange.
«Un acteur qui pensait tenir le rôle a dit: ‘Je préfère jouer un tueur en série qui tue et viole des femmes que de jouer un homme abusif, mais réel. Je préfère jouer un monstre.’ C’est intéressant. Le personnage de James perturbe certains hommes alors que d’autres aiment que [ce type d’attitude] soit révélé. Ça perturbe aussi certaines femmes qui ne veulent pas entendre parler d’une femme qui prend de décisions aussi fortes. Elles ne veulent pas aimer cette Isabelle.»

Dans la distribution de «Ma Zoé», on trouve également Daniel Brühl en médecin, un habitué des longs métrages de Julie Delpy. «C’est grâce à lui que le film s’est fait. Il a emmené le film à Berlin, il a coproduit avec sa compagnie Amusement Park. C’est quelqu’un à qui j’ai passé le scénario assez tôt et qui m’a dit avoir pleuré.»

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«Ce qui dérange le plus les gens, c’est qu’Isabelle choisit sa propre souffrance, elle n’est pas victime. On a l’habitude de voir la femme être victime et les spectateurs adorent voir la femme en victime en ce moment, c’est vraiment à la mode. C’est une non-victime qui n’est pas, non plus, dans la violence.»

Et la cinéaste laisse le spectateur libre de ses émotions et de ses conclusions devant «Ma Zoé» dont elle a d’ailleurs indiqué que ce «n’est pas un ‘feel good’». «Je n’ai pas utilisé de musique. Je ne dis pas quels sont les sentiments doivent avoir les gens à certains moments. Et ça aussi, ça perturbe.»

«Ma Zoé» prend l’affiche le 22 octobre au Québec.

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