Quelle part de vous-même révélez-vous dans un poème ? Les nominés du Griffin Poetry Prize donnent leur avis

Quelle part de vous-même révélez-vous dans un poème ?  Les nominés du Griffin Poetry Prize donnent leur avis

TORONTO – Les cinq poètes présélectionnés pour le Griffin Poetry Prize cette année écrivent à la première personne, souvent sur leur vie. Mais ils disent que ce serait une erreur de considérer leur travail comme non romanesque.

Ci-dessous, La Presse canadienne a demandé aux nominés — ainsi qu’au gagnant du prix Griffin’s First Canadian Book Prize — de réfléchir au rôle du « moi » dans la poésie.

La Presse canadienne : Comment décidez-vous de la part de vous-même que vous voulez montrer dans un poème ?

Limon : Pour être honnête, je ne pense pas que ce soit une décision. Le poème me guide et à un certain moment du processus d’écriture, je commence à suivre où il mène. Parfois, le “je” est toujours présent et parfois le monde plus vaste est le sujet ultime. Mon travail consiste à écouter le poème et à voir où cela me mène.

CP : Dans toutes les activités artistiques, mais surtout dans la poésie, il y a un potentiel d’incompréhension. Comment gérez-vous cela lorsque vous écrivez sur le personnel?

Limon : J’aime que la poésie réserve une place au mystère. Avec son espace vide et son souffle, il laisse la place au lecteur d’entrer pour regarder autour de lui, pour voir ce qui est à lui, pour s’amener aux mots. Pour cette raison, les malentendus ou les erreurs de lecture ne me dérangent pas. Je ne pense pas que vous puissiez vous tromper sur un poème. Et donc une fois que je l’ai mis dans le monde, je l’ai laissé partir. C’est vraiment une forme de liberté.

CP : Comment décidez-vous quelle part de vous-même montrer dans un poème ?

Mersal : Pour moi, il n’y a pas de décision consciente de me révéler – un moi quelconque – dans le processus d’écriture. S’il est présent, ce soi est caché, déconstruit et peut-être fabriqué. Le “je” du poème – le pronom à la première personne – n’est pas le soi authentique de l’écrivain, en fait il peut ne pas représenter l’auteur du tout. Au lieu de cela, « je » est la fissure ou la fissure à partir de laquelle un moi d’auteur peut émerger, avec une relation toujours ambiguë à l’auteur. Le « je » n’est pas une identité ou le héros d’un récit biographique. C’est le signe d’une volonté de se connecter au monde par le travail de la mémoire, du langage, ici et maintenant, même si les questionnements de soi sont anciens.

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CP : Comment gérez-vous la perspective d’être incompris ?

Mersal : Il y a un proverbe arabe qui dit “Le sens est dans le cœur du poète”. Cela ne veut pas dire — pour moi du moins — qu’un poème n’a qu’un seul sens secret, mais qu’il y a une infinité de sens que la littérature peut donner aux lecteurs ; et certaines de ces significations pourraient ne pas être du tout voulues par les auteurs. La littérature ne se limite pas aux idées qui peuvent être comprises ou mal comprises. Quand j’ai lu « Requiem » d’Anna Akhmatova il y a 30 ans, le poème était pour moi une élégie moderne, le témoignage d’une époque de dictature, et le « je » était un témoin oculaire politique. Relire le même poème après être devenue mère m’a procuré un tout autre sentiment : je suis devenue le « je » du poème, la mère en crise, en deuil de son fils, qu’on emmène. Ma première lecture était-elle un malentendu, ou ma dernière ? Peut-être que la lecture active produit toujours de nouvelles significations, et donc des malentendus.

CP : Comment décidez-vous quelle part de vous-même montrer dans un poème ?

Musgrave : Je ne montre jamais mes coudes ou mes chevilles. J’ai été élevée par des parents victoriens qui pensaient qu’il était scandaleux pour les femmes de montrer ces parties du corps sexualisées en public (par exemple, dans la poésie).

CP : Comment gérez-vous la perspective d’être incompris ?

Musgrave : Mieux vaut être imparfaitement incompris que parfaitement compris. La compréhension parfaite diminue presque toujours le plaisir. Il serait impossible d’écrire si vous craigniez d’être mal compris.

CP : Comment décidez-vous quelle part de vous-même montrer dans un poème ?

Reeves : Il n’y a aucun moyen de se cacher ou de s’absenter d’un poème. Un poème est toujours autobiographique dans une certaine mesure, même si l’on n’utilise pas un « je » ou n’écrit pas sur son expérience. Chaque fois que l’on choisit la langue, on se raconte, on révèle quelque chose. Bien sûr, il y a des moments de ma vie sur lesquels je n’écris pas, mais si je choisis d’utiliser un moment de ma vie dans le poème, je le fais. Cependant, je voudrais également souligner que la poésie n’est pas non-fiction. C’est finalement un art fictif, ce qui signifie que les poètes embellissent et modifient souvent les détails pour faire un meilleur poème.

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CP : Comment gérez-vous la perspective d’être incompris ?

Reeves : Oui, le malentendu est un risque dans l’écriture – pas seulement dans l’écriture sur le personnel, mais dans n’importe quel écrit. Rédaction d’itinéraires, rédaction d’une liste de courses, rédaction d’un itinéraire pour une excursion d’une journée. Le malentendu est l’affaire; dans le contrat que l’on fait en entrant dans la langue, il faut donc se lancer dans tout effort d’écriture avec cela à l’esprit. Comment puis-je m’y prendre? Je reconnais que cela peut arriver, est arrivé et continue à écrire. Si quelqu’un est particulièrement lésé, nous pouvons en parler. Sinon, l’écriture — l’essai, le poème — doit sortir dans le monde et vivre sa propre vie en dehors de moi.

CP : Comment décidez-vous quelle part de vous-même montrer dans un poème ?

Vuong : Je pense que tout langage est une expression de soi, et donc le poème, qu’il soit révélateur ou obscurcissant sur le plan autobiographique, est une mise en scène du soi complet.

CP : Comment gérez-vous la perspective d’être incompris ?

Vuong : Tout comme la vie et les expériences des gens peuvent varier, je pense que leurs interprétations de n’importe quel texte ou œuvre d’art peuvent varier, ce qui est une chose merveilleuse. L’incompréhension ou ces différentes interprétations font partie de l’expérience et de la condition humaine, et la poésie, quelle que soit sa puissance ou sa capacité, ne peut finalement pas l’éviter. Je crois que le travail de tout écrivain est d’embrasser à la fois l’élucidation et l’incompréhension.

CP : Comment décidez-vous quelle part de vous-même montrer dans un poème ?

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Devinette : Les médias et les critiques de mon livre se sont concentrés sur le fait qu’il était personnel et c’est vrai, mais je prends des décisions très précises sur ce qu’il faut partager, à la fois en termes d’histoire de ma famille, de mes propres sentiments et de connaissances culturelles. Le public canadien veut souvent consommer des histoires autochtones de traumatismes et il est important pour eux de continuer à s’engager dans le récit du colonialisme (une structure en cours), mais je ne suis pas ici pour être consommé comme un produit. Vous pouvez avoir un aperçu mais vous ne pouvez pas tout avoir. J’espère que cet aperçu de la vie nehiyaw amènera les gens à s’interroger sur leur relation avec la terre sur laquelle ils vivent, leurs histoires familiales et comment nous pouvons construire un avenir plus aligné sur la parenté.

CP : Comment gérez-vous la perspective d’être incompris ?

Devinette : Une fois mon livre publié, c’est aux autres d’avoir une relation avec lui. Je l’ai publié dans l’univers et je peux orienter les opinions ou corriger les gens, mais les lecteurs peuvent en tirer ce qu’ils veulent. De toute évidence, les peuples autochtones ou nehiyaw vont avoir différents aspects du livre et je leur ai laissé ces bribes. Je dois écrire pour être fidèle à moi-même et aux collectifs auxquels j’appartiens et après cela, je ne peux pas m’inquiéter d’être incompris.

Le prix de poésie Griffin sera remis mercredi lors d’un événement à Toronto.

Ce rapport de La Presse canadienne a été publié pour la première fois le 5 juin 2023.

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