jec’est difficile d’imaginer, en conduisant sur l’autoroute 401 à travers Toronto, que c’était autrefois une terre d’arbres, de rivières et d’ancêtres. Mais, si vous regardez assez attentivement, vous voyez le paysage passé à travers les vallées des rivières Rouge, Don, Humber et Credit. Ces rivières et leurs nombreux affluents étaient autrefois nos autoroutes. Si vous vous dirigez vers le nord, l’étalement urbain cède bientôt la place à des paysages bucoliques, notamment des champs de maïs. Ces champs de maïs cachent aussi le passé, une époque où ils entouraient le village palissadé construit par les ancêtres.
Boozhoo. Stacey ndiszhinakaaz. Michi saagiig ndoonjibaa. Parcs Canada ndoonjinakii. Emookdaang daasat.
Je suis Stacey, de Michi saagiig (Mississauga), et je suis archéologue à Parcs Canada, un organisme fédéral chargé de la préservation et de la mise en valeur des ressources écologiques et culturelles. Les archéologues et les peuples autochtones ne se sont pas toujours compris. Aandi wenjibaayan. Alors où est-ce que j’appartiens? Pour moi, l’archéologie est une façon de marcher avec les ancêtres, une façon de se connecter avec le passé. Une histoire qui a été prise à ma famille mais pas oubliée.
Au cours de ma carrière de près de vingt ans à Parcs Canada, j’ai eu l’occasion d’assister à des pow-wow, à des réunions avec des membres du conseil et à des cérémonies organisées par des groupes autochtones partout en Ontario. Dans mon rôle d’Autochtone qui est aussi archéologue, je profite de ces occasions pour partager notre histoire à travers une optique différente: celle de l’artefact. Les artefacts ne sont peut-être que des restes laissés par les gens qui nous ont précédés, mais pour moi, tenir un artefact, c’est comme serrer la main des ancêtres. Les artefacts sont des enseignants qui ont leurs propres histoires sur la façon dont ils ont été créés, utilisés et parfois jetés. J’encourage les autres peuples autochtones qui n’ont peut-être jamais vu un tesson de céramique autochtone ou une pointe de projectile finement écaillée à les tenir et à voir les compétences techniques et artistiques nécessaires pour les créer, et à être fiers de savoir que nos ancêtres ont créé ces objets qui ont duré des milliers d’années. Souvent, les aînés et les autres personnes assistant à ces fonctions m’apprendront les artefacts en partageant leurs propres histoires.
Même sur le terrain, en menant des travaux archéologiques, on m’apprend notre histoire. Bien que les peuples autochtones aient marché légèrement sur le paysage, ils nous ont laissé de nombreuses façons de renouer avec eux. Comprendre comment lire ces indices est ce que les archéologues essaient de faire. Lorsque nous nous trouvons sur un site archéologique potentiel, nous prenons note du paysage: sommes-nous sur une haute falaise? Près de l’eau? Dans une vallée? Lors de l’excavation, on note les sols: sont-ils bien drainés? Sont-ils rocheux? Est-ce que je camperais ici? La lecture du paysage et des sols nous offre une compréhension plus approfondie de la façon dont les gens vivaient sur la terre. J’ai travaillé dans tous les parcs nationaux, les aires marines nationales de conservation et de nombreux lieux historiques nationaux en Ontario. Ce sont toutes des zones uniques qui protègent les sites archéologiques qui reflètent la façon dont les populations autochtones et plus tard les colons ont utilisé le paysage et ses nombreuses ressources naturelles.
L’un des parcs où j’ai travaillé est le parc urbain national de la Rouge, du côté est de Toronto. Ce parc national a été créé en 2011 le long du bassin versant de la rivière Rouge, de son cours supérieur dans la moraine d’Oak Ridges jusqu’à son embouchure au lac Ontario, afin de protéger l’écosystème carolinien, les prairies et l’habitat riverain. C’est la première région fédérale au Canada à inclure des terres agricoles. Une fois pleinement établi, ce sera le plus grand parc urbain d’Amérique du Nord. Le parc protège également 10 000 ans d’histoire humaine.
Il y a environ 326 sites archéologiques enregistrés, tant autochtones que coloniaux, identifiés dans le parc urbain national de la Rouge. Les sites autochtones vont des découvertes uniques et isolées aux villages palissadés – des communautés qui étaient protégées par des murs ou des clôtures. Ils datent de la période archaïque (7000 avant JC à 1000 avant JC), jusqu’à la période de Contact (vers 1650), et jusqu’au XXe siècle. Le parc contient également un site historique national: Bead Hill, un village de Sénèque du XVIIe siècle. Les sites des colons comprennent les moulins, les ateliers de forgerons, les maisons patrimoniales désignées, les cimetières et même les fondations d’un bureau de poste.
La Rouge se connecte à d’autres grandes rivières, comme la Hollande, pour donner accès au lac Simcoe, à la voie navigable Trent-Severn et à la baie Georgienne sur le lac Huron. Les rivières Rouge et Little Rouge, qui se rejoignent et se séparent le long de la vallée, formaient le bras est d’une importante zone de peuplement commercial le long de la rive nord du lac Ontario. La rivière Humber formait le bras ouest de cette région, maintenant appelée Toronto Carrying Place Trail. Ces rivières, les autoroutes du passé, ont transporté des marchandises et des personnes pendant des millénaires avant que le paysage ne soit radicalement modifié par les colons. Lorsque les colons sont arrivés à la fin des années 1700, ils ont commencé à défricher des forêts et à établir de petits villages qui finiraient par devenir les villes de Stouffville, Markham, Scarborough et Pickering.
La déforestation et d’autres changements dans le paysage ont modifié la rivière Rouge, qui était autrefois navigable plusieurs kilomètres plus en amont qu’elle ne l’est actuellement. Pour lutter contre ces changements, le parc urbain national de la Rouge et l’Office de protection de la nature de Toronto et de la région ont conjointement entrepris un vaste programme de réhabilitation des bassins versants, qui comprend la plantation là où la terre rencontre les cours d’eau ainsi que la création de nouveaux milieux humides et de frayères pour les poissons. Des aires d’accueil des visiteurs, plus de vingt-cinq kilomètres de sentiers et la restauration d’un terrain de camping existant sont également prévus. L’équipe archéologique de Parcs Canada effectue des évaluations archéologiques avant la mise en œuvre de l’un de ces projets.
En plus de ce travail, l’équipe d’archéologie confirme l’inventaire des sites du patrimoine archéologique et culturel enregistrés, en évaluant leur état et en enquêtant sur les zones qui n’ont pas fait l’objet d’évaluations archéologiques antérieures. L’un des résultats de tous ces travaux est l’identification de nouveaux sites archéologiques autochtones et coloniaux.
Parcs Canada dispose d’une petite équipe archéologique qui s’est concentrée sur le parc urbain national de la Rouge au cours de ces années d’établissement cruciales. Pour terminer l’énorme quantité de travail prévue, notre équipe s’est appuyée sur des agents de liaison sur le terrain de diverses communautés des Premières Nations qui représentaient les dix membres autochtones du Cercle consultatif des Premières Nations du parc urbain national de la Rouge (FNAC) pour nous aider à mener le travail sur le terrain. La FNAC comprend dix communautés des Premières Nations, dont les Mississaugas of the Credit, les Six Nations of the Grand River, les Huron-Wendat et les Williams Treaty First Nations. Les agents de liaison sur le terrain ont non seulement aidé à mener le travail de terrain, mais ont également partagé leurs expériences de travail sur d’autres sites archéologiques. Leur expérience et leur connaissance des artefacts ont grandement accéléré notre travail. Plus important encore, nous avons développé un échange mutuellement avantageux d’idées, de connaissances et d’histoire. Beaucoup ont exprimé leur désir de découvrir leur histoire et de se connecter avec les ancêtres, ce que l’archéologie peut fournir.
En tant que peuple autochtone, nous sommes profondément liés à notre histoire, à nos ancêtres et à la terre. Même si des villes comme Toronto le couvrent et le cachent, notre passé est toujours là. Nous devons juste voir. Les ancêtres ont marché avant nous, mais ils nous enseignent toujours.
Adapté de l’anthologie Toronto autochtone: histoires qui portent cet endroit, édité par Denise Bolduc, Mnawaate Gordon-Corbiere, Rebeka Tabobondung et Brian Wright-McLeod et publié par Coach House Books.
Stacey Taylor est une Anishinaabekwe du Michi saagiig. Elle est archéologue terrestre à Parcs Canada depuis près de vingt ans, travaillant dans des parcs nationaux et des lieux historiques nationaux en Ontario, en Nouvelle-Écosse, au Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest.
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