Rarement une brasserie, une organisation de logement à but non lucratif et une usine de cornichons auraient beaucoup en commun. Mais cette semaine en Grande-Bretagne, les travailleurs des trois ont quitté le travail en raison de différends salariaux. Ce ne sont que les dernières actions syndicales qui sévissent dans le pays depuis des mois au milieu d’une crise du coût de la vie qui s’aggrave.
Un peu moins de 200 employés de Greene King, la société brassicole, sont en grève après avoir rejeté une offre salariale. Plus de 600 travailleurs du logement et de l’association caritative pour sans-abri Shelter ont entamé une grève de deux semaines, et environ 50 employés d’une usine Mizkan Euro qui fabrique des cornichons et du vinaigre se retirent. Unite, le syndicat qui représente ces travailleurs, a averti qu’il pourrait y avoir des pénuries de bière et de cornichons pendant les vacances.
Mais la Grande-Bretagne se prépare à bien pire. Les travailleurs des services essentiels, y compris les infirmières, le personnel ambulancier et les employés des chemins de fer, sont sur le point de se mettre en grève, avec des débrayages attendus dans toutes les industries tous les jours jusqu’à Noël.
L’ampleur de l’action syndicale est la pire en Grande-Bretagne depuis près d’une décennie et pose un autre défi au gouvernement du Premier ministre Rishi Sunak, qui a pris ses fonctions en octobre et dirige un pays dont l’économie est déjà en récession et ne devrait pas croître à nouveau jusqu’en 2024.
Les travailleurs de la fonction publique ont pris des piquets de grève ou voté en grève pour exiger des salaires plus élevés alors que le taux d’inflation annuel du pays a dépassé 11% en octobre, le plus élevé en 40 ans. La hausse des prix des denrées alimentaires et des factures d’énergie domestique comprime les budgets des ménages, déjà fragilisés par des années de faible croissance des salaires.
Les demandes de meilleurs salaires des enseignants et des travailleurs du Service national de santé se heurtent à la mainmise du gouvernement sur les deniers publics. Le Trésor a récemment annoncé d’importantes augmentations d’impôts et de futures réductions des dépenses alors qu’il cherchait à restaurer la crédibilité budgétaire de la Grande-Bretagne après le mandat orageux de sept semaines de Liz Truss.
Comprendre la situation politique en Grande-Bretagne
Les perspectives économiques de la Grande-Bretagne sont sombres. L’Office for Budget Responsibility, un organisme de surveillance budgétaire indépendant, a prévu le mois dernier que le niveau de vie, mesuré par le revenu disponible des ménages ajusté à l’inflation, chuterait de 7% au cours des deux prochains exercices, la plus forte baisse record remontant aux années 1950.
La rémunération est au cœur de ces conflits – en particulier dans le secteur public, où l’écart de rémunération avec le secteur privé est le plus important qu’il ait jamais été, en dehors du pic de la pandémie – mais on craint également que certains services publics ne soient évincés par le sous-financement et que des mesures draconiennes doivent être prises pour y remédier et recruter davantage de travailleurs.
Le personnel ambulancier de toute l’Angleterre et du Pays de Galles se mettra en grève le 21 décembre, a-t-on annoncé mardi, et les infirmières devraient quitter le travail les 15 et 20 décembre en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord. Il s’agira de la plus grande grève jamais organisée par le personnel infirmier, le National Health Service étant déjà confronté à un énorme arriéré de cas de soins. Pendant ce temps, les ambulances rencontrent des «retards paralysants» lorsqu’elles tentent de transférer des patients dans les hôpitaux en raison d’une pénurie de lits disponibles, due en partie à un manque d’aides à domicile dans les communautés.
Au cours du mois prochain, les travailleurs des chemins de fer et d’Eurostar, les chauffeurs de bus, le personnel postal de Royal Mail, les enseignants en Écosse et même les examinateurs des tests de conduite se mettront également en grève. Pour bon nombre de ces travailleurs, il s’agit du dernier d’une série de débrayages. Le réseau ferroviaire britannique a déjà été quasiment paralysé plusieurs fois cette année. Cette semaine, le principal syndicat ferroviaire a annoncé des débrayages à partir de la veille de Noël, en plus de deux grèves de 48 heures la semaine prochaine.
En septembre, 205 000 journées de travail ont été perdues en raison de conflits du travail, selon les données les plus récentes de l’Office for National Statistics. Si les chiffres sont pâles en comparaison avec les actions syndicales des années 1970 et 1980, ils montrent une forte augmentation des débrayages cette année. La dernière fois que la Grande-Bretagne a perdu autant de temps de travail à cause de grèves, c’était en 2014, lorsqu’une action coordonnée dans le secteur public a protesté contre le gel des salaires.
À l’approche de Noël, les enjeux semblent augmenter. Nick Gibb, un ministre du gouvernement, a déclaré mardi dans une interview à la radio que les syndicats ne devraient pas tenir le pays « en rançon » et a exhorté le syndicat des chemins de fer à annuler les grèves de Noël. Mais Mick Lynch, le chef du Syndicat national des travailleurs des chemins de fer, de la mer et des transports, a défendu l’action. Il a déclaré mardi à la BBC que le gouvernement coordonnait une attaque contre les travailleurs.
« Il serait insensé de la part des syndicats de ne pas se coordonner en réponse à ces attaques », a déclaré M. Lynch.
