Critiquer la parfaite victime | Le Journal de Montréal

La parfaite victime connait un succès populaire. Tant mieux.

Mais le film est très critiqué par le milieu judiciaire.

Émilie Perreault et Monic Néron se sont défendues avec animosité en se positionnant comme… des victimes. Elles veulent que le système se remette en question. Mais elles-mêmes réagissent très mal à la critique.

  • Écoutez le commentaire de Sophie Durocher au micro de Danny St Pierre sur QUB radio:

IMPERFECTION

Les deux réalisatrices se défendent contre leurs « détracteurs » en disant qu’elles ont fait un travail énorme en passant trois ans à écouter les victimes d’agression sexuelle. Personne ne conteste la souffrance immense des personnes abusées. C’est plutôt la thèse du film, la crédibilité de certains experts et la validité des chiffres qui posent problème.

Un expert de la scène juridique m’a écrit : « J’ai l’impression que le film était périmé avant même sa sortie, tellement la justice a évolué dans les deux dernières années. Les intervenants parlent d’une façon de faire qui a pratiquement été éradiquée ».

En effet, pourquoi avoir comme expert un avocat radié du Barreau il y a dix ans, Claude F. Archambault ? On ne demanderait pas à un médecin qui a cessé de pratiquer il y a dix ans de parler de la situation actuelle dans les hôpitaux !

L’autre problème, c’est la fameuse déclaration de Me Patrick Davis qui affirme n’avoir jamais perdu une cause. Les réalisatrices disent que Me Davis s’est expliqué et qu’elles ne sont pas responsables des propos de leurs invités.

Lorsqu’elles sont allées à TLMEP en mars 2021, une procureur du DPCP a envoyé des décisions de la Cour à Monic Néron, pour lui démontrer que l’affirmation de Me Davis était fausse. La journaliste a fait le choix de laisser l’affirmation dans la bande-annonce et dans le film.

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Pourquoi ?

Une grande partie de la thèse du film est bâtie autour de cette affirmation : il suffit d’avoir un bon avocat et vous gagnerez contre la victime. Si l’affirmation est fausse, la thèse du film est bancale, non ?

Les réalisatrices reprochent au DPCP de ne pas leur avoir fourni de chiffres sur le taux d’accusations portées. Or, le DPCP ne possède pas de telles statistiques. Une compilation manuelle a été faite pour illustrer la situation de 2020 à Montréal.

Mais on se doit de poser une question plus large : quel serait le bon taux d’autorisation et de condamnation ? Doit-on imposer un seuil à atteindre aux procureurs et aux juges plutôt que de leur demander de porter des accusations et de juger en fonction de la preuve disponible ?

La thèse du film est que le système exige que les victimes soient parfaites.

Or, la semaine dernière, dans une cause impliquant une mineure, la juge a écrit : « Le témoignage de (la victime) X n’est certes pas parfait, mais tel que mentionné précédemment, il n’a pas besoin de l’être. Après avoir évalué toutes les failles et les faiblesses du témoignage de X, à la lumière de l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que ce témoignage est suffisamment crédible et fiable pour établir, hors de tout doute raisonnable, que monsieur Y a commis les deux infractions qui lui sont reprochées ».

50 NUANCES DE JUSTICE

Sur la page Facebook du film, le descriptif du documentaire a été changé récemment.

On est passé de « les victimes doivent être parfaites » à « les victimes ont le sentiment de devoir être parfaites »… Avouez que c’est plus nuancé et moins « coup de poing ».

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