Rishi Sunak et le dilemme conservateur

Rishi Sunak et le dilemme conservateur

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En 2006, pour des raisons obscures, j’ai eu une brève conversation privée avec Margaret Thatcher. Prévenue à l’avance qu’elle n’était pas au sommet de ses facultés, j’ai préféré poser la question qui m’intrigue encore aujourd’hui. Que pensait-elle de la nation qu’elle avait façonnée ? D’un côté, ce fut une réussite économique : riche, créatif, et non plus le voisin traînant de l’Europe. De l’autre, les communautés autrefois stables ont changé. Les biens nationaux étaient sous propriété étrangère. La capitale appartenait plus au monde qu’à la Grande-Bretagne. Il s’est avéré que les marchés n’étaient pas conservateurs.

Regardez votre travail, madame. Cela en valait-il la peine? Je pense que oui, mais je suis un libéral. C’est plutôt une question à résoudre pour les conservateurs.

Rishi Sunak, qui n’a pas d’excuse de vieillesse, ne semble jamais avoir fait cela. Il est le capitaliste le plus convaincu à avoir occupé le poste de Premier ministre britannique. Dans le même temps, il est assez attaché à la tradition et à l’identité nationale pour avoir soutenu le Brexit avant Boris Johnson. Que la première croyance entre en conflit avec la seconde, selon laquelle les marchés bousculent les modèles de vie établis, ne semble pas troubler son esprit de haut niveau. Mais c’est là l’éternel dilemme conservateur. Finalement, il a été encorné et empalé sur les cornes de celui-ci. Cela ne me dérangerait pas tellement si la nation ne saignait pas avec lui.

Un conservateur croit à l’accession à la propriété, mais pas à la construction de maisons sur des terrains vierges ; dans le commerce, mais pas dans les réglementations supranationales qui le facilitent. Dans chacun de ces conflits intellectuels, ce gouvernement a eu tendance à privilégier la tradition : le champ sur la maison, la souveraineté légale sur les exportations. C’est un choix légitime. Mais cette décision a été prise sans prendre en compte le coût de la croissance. Si Thatcher n’avait jamais anticipé le bouleversement culturel qu’entraîneraient ses réformes économiques, ses héritiers ne pouvaient pas prévoir la torpeur économique que leur prudence culturelle entraînerait. Se méfiant de la pensée abstraite, les conservateurs ne parviennent pas à repérer la tension au cœur de leur vision du monde.

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Cette tension s’applique en quelque sorte aux gens de droite du monde entier. Si William Buckley était sérieux quant à sa définition du conservateur (« quelqu’un qui se tient à travers l’histoire et crie « Stop » »), il aurait dû soutenir davantage de restrictions sur les entreprises américaines, qui étaient un agent de changement social avant même de mettre en place un smartphone. dans la main de chaque adolescent. L’extrême droite d’aujourd’hui, avec sa vision jaunâtre du capitalisme, comprend ce point. Pourtant, le dilemme est bien plus aigu au Royaume-Uni qu’aux États-Unis. Le marché intérieur est plus petit, les ressources moins abondantes et les échanges représentent une part colossale de la production nationale. Nous sommes une nation ouverte ou en difficulté. Nous sommes poreux ou pauvres. Le traditionalisme n’est pas abordable.

C’est finalement le cas du centre politique. La Grande-Bretagne a besoin de l’enthousiasme de la droite pour le marché, mais de l’ouverture de la gauche à l’immigration, à la construction de logements et à d’autres fruits. de le marché. Ce centrisme ne divise pas les différences sur chaque question. Il prend catégoriquement un côté ou un autre, selon à la question. Il serait peut-être préférable de parler de « double extrémisme ».

Une histoire me restera gravée dans la mémoire de ce gouvernement sortant. Un consortium soutenu par Abu Dhabi a lancé une offre pour certains titres de journaux conservateurs au Royaume-Uni. Il a abandonné le mois dernier. Ce qui s’est passé? Résistance tenace de la part de la droite scandalisée, qui invoquait le caractère sacré des institutions nationales dans un monde de capital libre et sans éthique. Certains de ces conservateurs m’avaient dit un jour que la Grande-Bretagne boucanière du Brexit allait s’ouvrir au monde extérieur comme les continentaux dégoûtés ne le pourraient jamais. On dit que si on vit assez longtemps, on peut tout voir. Pas vrai. Il suffit de vivre jusqu’à 42 ans.

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Sunak peut se permettre de vivre n’importe où à Londres et choisit Kensington. Il est donc difficile de le présenter comme un homme intéressant, et encore moins comme un personnage historique tragique. Mais je crois qu’il s’est lancé en politique, contrairement à un ou deux de ses prédécesseurs et à des hordes de ses collègues frivoles, pour améliorer la situation de la Grande-Bretagne. Il n’a tout simplement jamais résolu, ni même reconnu, le fait qu’une moitié de sa vision du monde ferait toujours obstacle. Il aurait dû donner plus de contrôle à l’autre moitié, son libéral intérieur. Quelle déception il a été pour ceux d’entre nous qui courent à côté de l’histoire en criant « Accélérez ».

Envoyez un e-mail à Janan à [email protected]

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