Ma mère a ignoré toute la violence homophobe que j’ai subie. C’est pourquoi j’écris aujourd’hui, dit Édouard Louis

Ma mère a ignoré toute la violence homophobe que j’ai subie.  C’est pourquoi j’écris aujourd’hui, dit Édouard Louis

“Pour ma famille, la littérature n’a rien fait, c’est pour ça que je veux faire autrement et que je la critique”, confie l’écrivain français Édouard Louis, qui a présenté il y a quelques jours son nouveau livre à Prague. Comment devenir différent.

A cette occasion, il nous a par exemple accordé une interview sur la façon dont il cachait les violences dont il a été victime dans son enfance. Il n’a jamais parlé des insultes et des menaces que lui adressaient les enfants à l’école, car il avait honte. Il dit que pire que les insultes elles-mêmes, c’est quand les autres savent que vous êtes leur cible.

Cela explique aussi pourquoi nous devons nous battre même pour les gens qui ne sont pas bons ; ce que cela signifiait dans son enfance d’être un garçon de la classe la plus basse ; pourquoi il ne s’est jamais senti Français et comment il est possible que les politiciens les plus puissants ne soient responsables de rien.

La littérature peut-elle être un instrument de changement ?

Oui, je crois que la littérature peut être un outil pour transformer le monde, mais la condition pour cela est de changer d’abord la littérature. Si nous voulons que la littérature change le monde, nous devons le changer.

La plupart des écrivains sont sociologiquement plutôt issus de la classe bourgeoise privilégiée et instruite. Ils ont des parents qui ont étudié. C’est pourquoi ils ont la possibilité d’écrire plus tard.

Il y a très souvent dans le milieu culturel une sorte d’idéalisation de la littérature. On dit que la littérature ouvre les âmes, qu’elle construit des ponts au lieu de murs. On dit que la littérature nous unit. Ce sont des phrases que nous entendons souvent dans le domaine culturel.

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Et ces phrases ne s’appliquent pas à vous ?

Je ne suis pas de ce monde. Je viens d’un monde où les gens n’étaient pas sauvés par la littérature. Mon père a travaillé toute sa vie dans une usine, la littérature n’a rien fait pour lui. Ma mère était femme de ménage et femme au foyer, la littérature ne lui apportait rien. Mon frère est mort à 38 ans et la littérature n’a rien fait pour lui non plus. Elle était même quelque chose qui nous intimidait, qui nous faisait peur.

J’ai grandi dans un endroit où la littérature n’était pas présente, donc elle n’était pas idéalisée. Et c’est pourquoi je me demande comment on pourrait faire autrement. J’ai sur elle un regard critique, pas celui admiratif qu’il est possible d’avoir dans les classes privilégiées.

Si vous prétendez qu’il est possible de changer de littérature après une réflexion sur vous-même, alors que voulez-vous changer avec vos livres ?

Dès le moment où vous commencez à écrire des livres, vous sentez les règles s’imposer à vous. Les règles de la littérature qui pèsent sur vos épaules et sont très difficiles à identifier. C’est quelque chose comme les règles de genre qui nous prescrivent ce que signifie être un homme ou une femme. Ils ne sont gravés dans le marbre nulle part, on ne nous donne pas une bible à la naissance avec ce que c’est que d’être un homme ou une femme. Néanmoins, nous recevons des commandes, des commandes. Et la littérature fonctionne de la même manière.

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L’une des premières règles que j’ai ressenties pour moi était l’idée que la littérature ne devait pas être trop

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