Capteur sous votre bureau ? Bienvenue sur la technologie de la propriété dans les bâtiments intelligents

Les deux dernières années ont été une période chargée pour les professionnels de l’immobilier. Alors que les bâtiments commerciaux comme les tours de bureaux, les centres commerciaux et les hôtels sont restés vides pendant des mois consécutifs en raison de la pandémie de COVID-19, les propriétaires d’immeubles et leurs locataires d’entreprise réfléchissaient à la manière de ramener les gens dans leurs propriétés. La technologie joue un grand rôle dans ces plans.

Dans le cadre de leurs plans de retour au travail, quelques banques d’investissement européennes ont décidé d’améliorer les postes de travail de leurs employés en plaçant des capteurs sous les bureaux pour optimiser l’occupation des bureaux.

La technologie est similaire à celle utilisée pour gérer les places de stationnement. L’utilisation de capteurs limités à l’occupation semble assez inoffensive, même s’il ne faudrait pas grand-chose pour passer du bureau intelligent à quelque chose de potentiellement plus néfaste.

Des technologies capables de capturer pratiquement tous les aspects du comportement des employés dans leurs espaces de travail existent déjà : les employeurs peuvent déterminer combien de temps ils travaillent, avec qui ils interagissent et à quelles fins, même comment ils se sentent.

La liste s’allonge dans la mesure où le comportement humain peut être entièrement capturé par des technologies ad-hoc développées par des sociétés dites proptech (property technology). Ces technologies sont appelées technologies d’arrière-plan ou technologies calmes, ce qui signifie qu’elles ne captent l’attention de l’utilisateur que lorsque cela est nécessaire et restent en arrière-plan la plupart du temps.

Ils sont omniprésents bien que totalement invisibles pour leurs utilisateurs, qui sont inconscients de leur présence. Lorsque les employés entrent dans un immeuble de bureaux ou que les visiteurs entrent dans un centre commercial, par exemple, ils ignorent souvent qu’ils sont entourés d’appareils technologiques qui interagissent constamment avec eux.

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L’essor des bâtiments intelligents

De telles structures intégrées à la technologie sont connues sous le nom de bâtiments intelligents. Ils sont l’avenir de l’immobilier commercial et permettent des niveaux sans précédent d’interactions personnalisées entre un bâtiment et ses occupants.

Les bâtiments intelligents sont équipés de mécanismes de rétroaction en temps réel qui permettent au bâtiment d’anticiper les changements de son environnement ainsi que les besoins de ses occupants. Dans le processus, les occupants du bâtiment sont réduits à être la source du retour d’expérience. Ils sont censés bénéficier de la technologie, mais leur présence est la principale ressource alimentant la technologie à travers la collecte et l’analyse de données.

Mais une question importante doit être posée : au vu des récentes révélations sur Facebook, devons-nous faire aveuglément confiance à ceux qui contrôlent la technologie du bâtiment intelligent pour avoir à cœur le bien-être et les meilleurs intérêts des occupants d’un bâtiment ? Si vous le croyez, alors l’omniprésence de la technologie calme ne vous dérangera pas.

A l’inverse, si vous avez tendance à douter de la bonne volonté de Big Tech envers l’humanité, un mot devrait vous venir à l’esprit : Contrôle.

De toute évidence, le contrôle comportemental n’est pas quelque chose que les évangélistes de la technologie veulent que nous associent aux bâtiments intelligents. Mais c’est l’éléphant dans la pièce que la magie technologique des vendeurs de bâtiments intelligents ne peut pas complètement cacher à la vue.

Si les bâtiments intelligents ont la capacité de prédire nos comportements, ils ouvrent également la porte à un contrôle omniprésent grâce à des interactions toujours plus personnalisées. Chacun de nous existe dans ses propres espaces de travail et de vie, mais avec un contrôle de plus en plus limité ou inexistant sur les expériences conçues pour nous et alimentées par des algorithmes.

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Façonner le comportement

Depuis les débuts de la cybernétique, le contrôle a toujours été au cœur des technologies de l’information. Etymologiquement, “cyber” vient du verbe grec pour diriger. Le contrôle dans les bâtiments commerciaux fait partie de la surveillance, mais il va plus loin en visant à façonner les comportements.

Dans les sociétés démocratiques, les motivations pour façonner le comportement des occupants des bâtiments sont principalement utilitaires, faisant partie d’un compromis entre la satisfaction individuelle et le libre arbitre. Dans les sociétés moins démocratiques comme la Chine, les technologies du bâtiment intelligent peuvent également être liées au maintien de l’ordre et au maintien de l’ordre social.

Mais ces deux visions du contrôle des espaces où nous vivons et travaillons ne sont pas conceptuellement très différentes. Le terrain moral élevé est assez glissant lorsqu’il s’agit de contrôle basé sur la technologie, et l’interaction entre le contrôle et le profit dans les sociétés modernes n’a rien de nouveau. Il a été mentionné dans le contexte des économies capitalistes et de la société de l’information depuis les années 1980.

Le contrôle comportemental prend cependant une toute nouvelle dimension avec les bâtiments intelligents, car il n’y a nulle part où se cacher. Extraire des données comportementales des occupants des bâtiments pourrait devenir une source de richesse majeure pour le secteur immobilier. Pour capitaliser sur cette nouvelle ressource, les sociétés immobilières peuvent s’associer à des sociétés technologiques et rejoindre les rangs des « capitalistes de la surveillance ».

La voie à suivre

Cependant, ce serait un pacte avec le diable, car les entreprises technologiques ne se soucient pas de savoir si les bâtiments sont occupés ou non. Ils peuvent extraire des données ailleurs et continuer à prospérer. En revanche, comme l’ont montré les deux dernières années, les bâtiments vides représentent le risque ultime pour tout propriétaire.

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Alors, quelle devrait être la voie à suivre pour le secteur de l’immobilier? La stigmatisation des bâtiments intelligents n’est pas utile. Les technologies intelligentes présentent des avantages certains pour les occupants des bâtiments et elles sont là pour rester.

Mais avant tout, un régime de droits de propriété sur les bâtiments commerciaux – y compris ceux relatifs à l’espace numérique – devrait être édicté afin que ces droits puissent être partagés entre toutes les parties prenantes. Cela est particulièrement vrai pour les occupants des bâtiments intelligents et dans tous les espaces alimentés par la technologie, y compris les métavers, où la dignité humaine est en jeu. Leurs droits humains doivent être légalement reconnus et protégés à tout prix.

Patrick Lecomte is a professor of real estate at the Université du Québec à Montréal (UQAM).

Cet article est republié de La conversation sous licence Creative Commons. Vous pouvez trouver le article original ici.

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