un homme complexe, idéaliste et opportuniste

un homme complexe, idéaliste et opportuniste

CANAL+ – VENDREDI 22 À 21 H 15 – FILM

Né en 1904, mort en 1967, Julius Robert Oppenheimer, issu d’une famille juive aisée, compagnon de route du Parti communiste américain, sujet à la dépression, physicien de génie, pionnier de la mécanique quantique, est nommé en 1943 directeur scientifique du projet Manhattan, développé dans le plus grand secret à Los Alamos (Nouveau-Mexique), dans le cadre de la course aux armements contre le régime nazi.

Oppenheimer est, à ce titre, considéré comme le « père » de la bombe atomique, mais il infléchira son point de vue après la guerre quant au bien-fondé de l’arme thermonucléaire (bombe H), tout en militant pour un contrôle international de ce type d’armement.

Désavoué à cet égard par le président Harry Truman, il est bientôt rattrapé par la frénésie paranoïaque de la chasse aux sorcières. Finalement reconnu comme un citoyen loyal, il est néanmoins jugé coupable de graves manquements et évincé du comité consultatif de la commission de l’énergie atomique.

Fragile étrangeté

Voilà, grossièrement esquissé, le Robert Oppenheimer que Christopher Nolan choisit de mettre en avant dans ce biopic, dépourvu de début (rien sur l’enfance) comme de fin (rien sur son devenir après le désaveu). La question qui occupe le cinéaste, pour autant que la structure passablement elliptique du film permette de la discerner, y est de fait tout entière contenue : les scientifiques sont-ils redevables, devant leur propre conscience comme devant le jugement des hommes, de l’usage que les politiques font de leurs inventions ? Vous avez trois heures…

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C’est le temps que Nolan prend pour répondre, brillamment comme à son habitude, mais avec ce goût de la conceptualité et de l’emphase qui fait que ses films n’échappent que rarement aux dangers du maniérisme. A ce titre, Oppenheimer a toute sa place dans la galerie des héros nolaniens. Détenteur d’une force supérieure, fragilisé par un indicible secret, incertain de lui-même dans un monde d’une irréductible complexité et d’une violence opaque, non exempt de duplicité, cherchant la lumière et le bien par des voies sombres qui leur sont opposées : Batman n’est pas très loin, dont Nolan fut le réalisateur d’une trilogie mémorable.

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On ne saura pas, en sortant du film, qui fut au juste Robert Oppenheimer, auquel l’acteur irlandais Cillian Murphy prête sa fragile étrangeté. Ce qui n’est pas si mal. Homme complexe, à la fois idéaliste et opportuniste, pétri de contradictions et de faiblesses, tiraillé entre le remords de sa terrible invention et la conviction d’avoir sauvé des vies en arrêtant la guerre.

Davantage que ces questions politiques ou morales toutefois, on sent bien que c’est l’opérateur de l’histoire en marche qui, dans le savant qu’est Oppenheimer, passionne l’artiste qu’est Nolan.

Oppenheimer, de Christopher Nolan. Avec Cillian Murphy, Emily Blunt, Robert Downey Jr, Matt Damon, Florence Pugh (UE, 2023, 181 min).

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