Une prise de sang peut-elle diagnostiquer la dépression et le trouble bipolaire ?

Une prise de sang peut-elle diagnostiquer la dépression et le trouble bipolaire ?

SYNLAB et ALCEDIAG ont récemment lancé le premier test sanguin d’aide au diagnostic de santé mentale en France. Le test vise à différencier les troubles bipolaires de la dépression. La nouvelle peut être surprenante, compte tenu des difficultés liées au diagnostic des troubles psychiatriques, en particulier lorsqu’ils partagent des symptômes communs tels que la dépression récurrente et le trouble bipolaire.

Les réactions des psychiatres au nouveau test sont prudentes. Beaucoup ont fait écho aux sentiments de l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie (AFPBN) et de Stéphane Jamain, PhD, directeur de la recherche translationnelle en neuropsychiatrie (Inserm U955, Institut Mondor de recherche biomédicale), qui s’est entretenu avec le Medscape français edition.

Diagnostic précoce

La dépression et les troubles bipolaires sont deux maladies psychiatriques distinctes nécessitant des traitements différents. Un diagnostic précoce et précis et un traitement approprié constituent des défis majeurs pour les cliniciens, d’autant plus que le trouble bipolaire non traité ou insuffisamment traité peut avoir des conséquences importantes sur la santé mentale et physique des patients et de leurs familles.

Des études publiées indiquent qu’il faut en moyenne 8 à 10 ans, et parfois même plus, pour diagnostiquer un trouble bipolaire. Le diagnostic repose sur un examen clinique psychiatrique réalisé par un spécialiste à l’aide de questionnaires validés et d’échelles d’évaluation.

Un diagnostic précoce et précis des troubles bipolaires, permettant un traitement approprié, constituerait une avancée significative pour les patients et leurs familles. C’est ce que proposent les laboratoires français SYNLAB, en partenariat avec ALCEDIAG, à travers myEDIT-B, un test sanguin décrit comme « le premier test validé d’aide au diagnostic pour différencier la dépression des troubles bipolaires ».

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Reste à savoir si ce test, dont la disponibilité a quelque peu surpris la communauté médicale et scientifique psychiatrique, attirera les psychiatres.

L’Association française de psychiatrie biologique et de neuropharmacologie a déclaré dans un communiqué de presse qu’« à ce jour, aucun test ne répond aux conditions d’une utilisation clinique ». Pour qu’un test diagnostique soit scientifiquement valide, éthique et utilisable en pratique clinique, son développement doit répondre à des critères stricts, comme le souligne l’AFPBN. Les quelque 10 critères comprennent la validation des résultats scientifiques dans au moins deux études cliniques ou cohortes indépendantes, une sensibilité (détection des vrais positifs) et une spécificité (détection des faux négatifs) satisfaisante, un coût éthiquement responsable et permettant l’accès des patients, un d’intérêts commerciaux.

ALCEDIAG a rapporté deux études cliniques, mais une seule a été publiée à ce jour (dans Psychiatrie translationnelle) impliquant 400 patients. Dans ce cas, “ces patients avaient déjà une pathologie psychiatrique bien établie, ne présentaient pas tout à fait les mêmes symptômes entre les patients souffrant de dépression récurrente et ceux souffrant de troubles bipolaires et ne prenaient pas les mêmes traitements”, a souligné Jamain.

Faire la différence entre le trouble bipolaire et la dépression est crucial, notamment en ce qui concerne les traitements, car les antidépresseurs administrés à un patient atteint de trouble bipolaire peuvent provoquer un changement maniaque s’ils ne sont pas accompagnés de stabilisateurs de l’humeur, a reconnu Jamain. Il estime néanmoins qu’au vu de ce que le laboratoire a publié, il est difficile de commenter le test pour le moment.

Édition d’ARN

De plus, myEDIT-B est basé sur une technique qui mesure les modifications d’édition de l’ARN de marqueurs spécifiques dans le sang des patients, ce qui pourrait entraîner des différences dans les acides aminés au sein des protéines. La technique est unique au laboratoire ALCEDIAG, qui l’a couplée à un outil d’intelligence artificielle qui a spécifiquement sélectionné 8 séquences d’ARN à analyser parmi des milliers de séquences éditées pour obtenir une signature différentielle des dépressions unipolaires et bipolaires. “Cette méthode est de niche, la marque de fabrique d’ALCEDIAG”, estime Jamain, qui s’interroge sur l’importance de ce “retouche” à la périphérie du SNC.

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“Cette technique diffère de celle adoptée par la plupart des consortiums internationaux, très actifs dans ce domaine de recherche. Cette dernière technique compare les différences de génome [DNA] nucléotides entre individus dans de grandes cohortes impliquant des dizaines de milliers de personnes et identifie les schémas les plus fréquents associés à une pathologie pour en déduire un risque de développer une maladie psychiatrique », a déclaré Jamain. « Cependant, les informations fournies par ces études à grande échelle ne ne permet pas de définir qui est à risque de développer la maladie, pas plus que la simple observation de la récidive familiale [heritability] c’est le cas.”

Validation scientifique

Si ALCEDIAG revendique une sensibilité et une spécificité de plus de 80 % pour son test, le monde psychiatrique reste prudent. Interviewée par FranceInfoTV, Marion Leboyer, PhD, directrice générale de la Fondation FondaMental, psychiatre et chercheuse (à l’AP-HP, Inserm à Créteil, France), a souligné l’importance d’encourager la recherche sur les maladies psychiatriques, notamment celle qui contribuera à la compréhension et traitement des patients atteints de troubles bipolaires. Mais elle a exprimé sa prudence à l’égard de ce test en raison de l’absence de validation scientifique rigoureuse par le biais d’essais cliniques.

Concernant “le test d’ALCEDIAG et son aspect commercial, la prudence est de mise”, a indiqué M. Jamain. Seul l’avenir dira si les psychiatres prescriront ce test à 899 €, actuellement non remboursé par la sécurité sociale (voir encadré ci-dessous). ALCEDIAG prévoit de soumettre un dossier de validation à la Food and Drug Administration américaine.

Test non remboursé par la Sécurité sociale

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Le test ALCEDIAG sera disponible à partir d’avril 2024, sur prescription, dans les laboratoires du réseau SYNLAB France. Il est destiné aux patients âgés de 18 ans et plus traités pour un épisode dépressif modéré ou sévère. Les résultats des analyses sont transmis dans un délai de 4 semaines au psychiatre prescripteur, qui confirmera le diagnostic au patient lors d’une consultation. Déjà disponible en Italie, ce dispositif médical in vitro bénéficie du marquage CE-IVD. En France, il coûte cependant 899 € et n’est pas remboursé par la sécurité sociale faute de preuves cliniques suffisantes.

Cette histoire a été traduite du Medscape édition française en utilisant plusieurs outils éditoriaux, dont l’IA, dans le cadre du processus. Des éditeurs humains ont examiné ce contenu avant sa publication.

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