Le Sri Lanka a fait défaut sur ses dettes pour la première fois de son histoire alors qu’il est aux prises avec une crise économique et politique déclenchée par les ondes de choc mondiales de la pandémie et de la guerre en Ukraine.
Un taux d’inflation atteignant 40 %, des pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments et des pannes d’électricité ont entraîné des manifestations à l’échelle nationale et une chute de la monnaie, le gouvernement étant à court des réserves de devises dont il avait besoin pour payer les importations.
Le gouverneur de la banque centrale sri-lankaise a déclaré jeudi que la plus ancienne démocratie d’Asie était tombée dans un “défaut préventif” sur ses dettes après l’expiration d’un délai de grâce de 30 jours pour les paiements d’intérêts manqués sur deux de ses obligations souveraines. Il s’agit du premier défaut de paiement d’un pays d’Asie-Pacifique au cours de ce siècle, selon l’agence de notation Moody’s.
Le Sri Lanka a déclaré le mois dernier qu’il cesserait de rembourser ses dettes internationales pour conserver des réserves de devises étrangères en baisse, vitales pour importer des matières premières clés de l’étranger.
S’exprimant jeudi après l’expiration du délai pour effectuer 78 millions de dollars (62,8 millions de livres sterling) de paiements aux créanciers internationaux, Nandalal Weerasinghe, le gouverneur de la banque centrale, a déclaré: «Notre position est très claire: tant qu’il n’y aura pas de restructuration de la dette, nous ne pourrons pas rembourser. ”
Le Sri Lanka a suspendu les remboursements d’environ 7 milliards de dollars de prêts internationaux dus cette année, sur une dette extérieure totale d’une valeur de 51 milliards de dollars. Le ministère des Finances du pays a déclaré qu’il disposait de 25 millions de dollars de réserves de change utilisables.
Les économistes craignent que le Sri Lanka ne soit le premier d’une vague de défauts de paiement, alors que d’autres pays à revenu faible et intermédiaire sont aux prises avec une inflation galopante et des chocs d’offre. Le FMI a ouvert des pourparlers de sauvetage avec l’Egypte et la Tunisie, deux grands importateurs de blé de Russie et d’Ukraine, et avec le Pakistan, qui a imposé des coupures d’électricité en raison du coût élevé de l’énergie importée. La Turquie lutte contre une inflation de 70 % mais a jusqu’à présent évité la nécessité d’un renflouement.
Weerasinghe a déclaré jeudi lors d’une conférence de presse que des dollars suffisants avaient été débloqués pour payer les expéditions de carburant et de gaz de cuisine, aidés par 130 millions de dollars de la Banque mondiale et des envois de fonds en devises étrangères envoyés chez eux par des Sri Lankais travaillant à l’étranger.
La banque centrale aux côtés du gouvernement a entamé des discussions avec le Fonds monétaire international visant à élaborer un programme pour relever ses défis économiques. “Des dispositions rapides sont prises pour lancer le processus de restructuration de la dette extérieure”, a-t-il déclaré.
Des négociations ont également été entamées pour obtenir un financement relais afin de garantir les devises étrangères nécessaires pour financer les importations de biens essentiels et pour renforcer les programmes de filets de sécurité sociale du pays, a-t-il ajouté.
Le nouveau Premier ministre du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a déclaré cette semaine que la crise s’aggraverait au cours des deux prochains mois avant de s’améliorer.
La pire crise économique depuis l’indépendance du Sri Lanka en 1948 a conduit à la démission de Mahinda Rajapaksa en tant que Premier ministre après des mois de manifestations qui ont entraîné des affrontements violents et mortels dans les rues de la capitale.
La pandémie de Covid avait déclenché un effondrement du tourisme, entraînant une baisse des revenus en devises et une augmentation des niveaux d’endettement – une situation aggravée par la flambée des prix mondiaux des matières premières ce printemps, exacerbée par la guerre de la Russie en Ukraine.
Le président Gotabaya Rajapaksa, qui a nommé Wickremesinghe pour remplacer son frère au poste de Premier ministre, a continué de refuser de se plier aux exigences de l’électorat et a conservé le pouvoir.
L’inflation au Sri Lanka devrait augmenter de près de 40 % en quelques mois, après avoir atteint près de 30 % en avril, les prix alimentaires ayant augmenté d’environ la moitié au cours de l’année écoulée. La roupie sri-lankaise a chuté de 45% par rapport au dollar depuis que la banque centrale a cessé de défendre la monnaie début mars, à un moment où la devise américaine a fortement augmenté en valeur sur les marchés des changes alors que la Réserve fédérale américaine augmente les taux d’intérêt en réponse à la montée des pressions inflationnistes.
